Femmes au bord de l'eau

Quand Alain s’est marié, il a eu l’ambitieuse idée de reproduire le célèbre tableau Summer (1909) de Frank Weston Benson, représentant quatre dames élégantes sur une rive, avec une île en arrière-plan. Simple, non ? Surtout si l’on supprime discrètement une dame pour alléger la tâche ! Tout fier, il prépare une grande toile, trace soigneusement une grille au crayon – comme sur son impression du tableau original – et commence à reporter tous les points clés.

Un plan parfait… jusqu’à ce qu’il découvre un détail crucial : la peinture à l’huile ne recouvre pas le graphite. Peu importe le nombre de couches appliquées, ces maudites lignes réapparaissaient comme des fantômes d’erreurs artistiques. Une semaine de séchage ? Toujours là. Plus de peinture ? Toujours là. Un vrai mauvais présage impossible à effacer.

Ironiquement, ce tableau censé être un chef-d'œuvre a fini par ressembler à son mariage : le projet traînait, il trouvait mille distractions, et quand il a repris le pinceau, le divorce tant attendu par sa femme devenait une réalité. Recouvrir les lignes de crayon était devenu bien plus qu’un défi artistique… c’était un défi émotionnel.

Et pour couronner le tout, impossible de réussir les visages des dames. Peu importe le nombre d’essais, elles prenaient vie… à leur manière. L’une s’est transformée en Dolores elle-même, une autre est devenue brune, et voilà qu’une rousse s’est invitée dans la scène.

Et aujourd’hui ? Le tableau est toujours inachevé, insatisfaisant et incroyablement têtu. Mais après tout, certaines œuvres sont peut-être destinées à rester un voyage sans fin…